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Plus-values mobilières en report d’imposition constatées avant 2013 : suite de la saga

Civil - Fiscalité des particuliers
07/07/2020
Par deux arrêts du 1er juillet 2020, le Conseil d’État vient rejeter les recours en annulation pour excès de pouvoirs des commentaires du BOFiP interdisant l’application des abattements pour durée de détention aux plus-values en report d’imposition.
Les règles d’assiette et de taux d’imposition des plus-values mobilières ont été modifiées à plusieurs reprises ces dernières années, pouvant entraîner des disparités de traitement entre les contribuables. Un abondant contentieux s’en est suivi devant le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de l’Union européenne. Deux arrêts de cette première juridiction du 1er juillet 2020 viennent à nouveau statuer sur les modalités d’imposition des plus-values en report d’imposition.

Rappelons qu’avant le 1er janvier 2013, les plus-values mobilières étaient taxées à l'impôt sur le revenu, à un taux forfaitaire et proportionnel (19 % en 2011, 24 % en 2012). Puis, à compter du 1er janvier 2013 (jusqu’au 31 décembre 2017), les plus-values ont été taxées au barème progressif, tout en pouvant bénéficier d’un dispositif d’abattement sur le montant des gains nets de cession des valeurs mobilières, selon la durée de détention de ces valeurs (L. fin. 29 déc. 2013, art. 17 ; CGI, art. 150-0 D, 1 ter et 1 quater).

C’est alors posée la question de savoir si les plus-values mobilières réalisées avant le 1er janvier 2013 et placées en report d’imposition à compter de cette date pouvaient bénéficier de l’abattement pour durée de détention.

L’administration fiscale répond négativement. Pour elle, cet abattement ne peut pas venir modifier rétroactivement le montant d’une plus-value constatée à une date où il n’était pas en vigueur (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10, n° 370). Le Conseil d’État a jugé conforme cette position au regard de la loi (CE, 8e et 3e sous-sect. réunies, 12 nov. 2015, n° 390265 ; v. aussi CE, 3e et 8e sous-sect. réunies, 10 févr. 2016, n° 394596). Le Conseil constitutionnel a confirmé la légalité de la disposition tout en estimant qu’un coefficient d'érosion monétaire devait être appliqué au titre de la période comprise entre l'acquisition des valeurs mobilières et la réalisation de la plus-value (Cons. const., 22 avr. 2016, n° 2016-538 QPC ; v. Les Nouvelles fiscales n° 1180, 15 juin 2016). La loi de finances rectificative pour 2016 (art. 34) a transposé cette décision en prévoyant l’application pour certaines plus-values placées en report d'imposition avant 2013 d’un coefficient actualisé en fonction du dernier indice des prix à la consommation hors tabac publié par l'INSEE à la date de la réalisation de l'opération à l'origine du report d'imposition. Ce coefficient a eu pour effet de minorer le montant de la plus-value imposable. Le Conseil d’État a de nouveau rejeté la demande d’annulation de l’instruction précitée le 19 juillet 2016 en la jugeant conforme à l’article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (CE, 3e et 8e sous-sect. réunies, 19 juill. 2016, n° 394596). La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé, en septembre 2019, qu’en cas de plus-value placée en report d’imposition à l’occasion d’une opération d’échanges de titres, la plus-value en report et la plus-value de cession réalisée ultérieurement lors de la revente des titres reçus en échange doivent être soumises au même traitement fiscal, tant en ce qui concerne le taux d’imposition applicable à la plus-value que l’application d’abattements pour durée de détention (CJUE, 18 sept. 2019, Aff. C-662/18 et C-672/18 ; v. ADD, Actualité 25 sept. 2019 ; v. aussi les deux questions préjudicielles : CE, ch. réunies, 12 oct. 2018, nos 423044 et 423118).

Dans deux affaires jugées le 1er juillet 2020, le Conseil d’État a eu à juger de la demande en annulation du paragraphe n° 130 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10, le 24 juillet 2017, en tant qu'il écarte l'application du dispositif prévu par l'article 150-0 D du code général des impôts aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition au lieu de prescrire l'application d'un abattement global déterminé en fonction de la durée de détention décomptée depuis l'acquisition des titres remis à l'échange jusqu'à la cession des titres issus de l'échange et pratiqué sur la somme de la plus-value mise en report lors de l'échange et de la plus-value réalisée sur la cession des titres issus de l'échange.

Il confirme ici, d'une part, que : « l'abattement pour durée de détention prévu par l'article 150-0 D du code général des impôts ne peut s'appliquer aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application de l'article 150-0 B ter de ce même code ». Les commentaires administratifs ne méconnaissent donc pas la portée des dispositions législatives qu'ils ont pour objet d'interpréter. D’autre part, les dispositions de la loi ne méconnaissent pas l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux également invoqué par le requérant. Enfin, le Conseil d’État rappelle que :
  • le 19 décembre 2019, il avait « renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, en combinaison avec celles de l'article 150-0 B ter du code général des impôts dans sa rédaction issue des articles 32, 33 et 34 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 et jugé n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution du 2 ter de l'article 200 A du code général des impôts » (CE, 8e et 3e sous-sect. réunies, 19 déc. 2019, n° 423118) ;
  • et que, le 3 avril 2020, le Conseil constitutionnel avait « déclaré conformes à la Constitution le renvoi opéré par la première phrase du paragraphe III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 au b du 1° du F du paragraphe I du même article et les mots 'dans les conditions prévues au 2 ter de l'article 200 A' figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 » (Cons. const., 3 avr. 2020, n° 2019-832/833 QPC).
Par conséquent, la demande en annulation des commentaires administratifs attaqués n’est pas fondée. 
 
Pour en savoir plus, voir Le Lamy fiscal 2019, n° 5728 et s.
Source : Actualités du droit