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Image  Par Pierre-Henri DORON, Banquier Privé, CA Indosuez Wealth Management (France)

Précisions sur le réinvestissement dans le cadre de l’apport-cession

Civil - Personnes et famille/patrimoine
12/09/2016
Rédigé sous la direction d’Éric DHENNEQUIN, juriste fiscaliste - CA Indosuez Wealth Management (France)
En partenariat avec le Master 2 Droit du patrimoine professionnel (223), Université Paris-Dauphine

L’administration fiscale a mis en ligne le 4 mars 2016 (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60) ses commentaires relatifs au report d’imposition en cas d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés et contrôlée par l’apporteur, dispositif codifié à l’article 150-0 B ter du Code général des impôts.

Dispositif visé


Ce dispositif s’applique aux opérations, réalisées depuis le 14 novembre 2012, d’apports de valeurs mobilières, de droits sociaux (…), à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, ces apports étant rémunérés par des titres représentatifs d’une quotité du capital ou donnant droit à l’attribution de titres représentant une quotité du capital de la société bénéficiaire de l’apport.
Le schéma est le suivant : l’actionnaire souhaitant céder ses titres et investir dans une nouvelle activité les apporte à une société qu’il contrôle (holding) et qui vendra lesdits titres afin de réinvestir dans une nouvelle activité. L’apport étant effectué à une valeur proche du prix de cession, la cession des titres par le holding ne générera que peu voire pas de plus-value taxable.
S’agissant de l’apporteur, la plus-value est calculée et déclarée lors de l’apport mais son imposition est différée au jour de la survenance de certains événements.
Notamment, la cession à titre onéreux, le rachat par la société émettrice, le remboursement ou l’annulation des titres apportés à la société contrôlée entraînent l’expiration du report d’imposition lorsqu’un tel évènement intervient dans un délai de trois ans à compter de la date de la réalisation de l’apport.
L’apport peut concerner des obligations convertibles, remboursables ou échangeables en actions. Dans ce cas l’opération de conversion, remboursement ou échange intervenant dans ce délai de trois ans n’entraîne pas l’expiration du report d’imposition, sous réserve qu’aucun évènement n’affecte lesdites actions. Mais le report expire lorsque le remboursement des obligations s’opère en numéraire.
Si les titres apportés sont des bons de souscription d’actions, l’exercice des bons dans le délai susmentionné ne met pas fin au report, sous réserve de la conservation des actions jusqu’à l’expiration de ce délai. 
Enfin, le report est maintenu lorsque la société émettrice des titres apportés est absorbée, dans le délai de trois ans, par la société bénéficiaire de cet apport.

Contrôle de la société bénéficiaire de l’apport


L’application de ce dispositif de report d’imposition suppose que le contribuable exerce le contrôle de la société bénéficiaire de l’apport. Il en est ainsi lorsqu’il détient, directement ou indirectement, seul ou avec son groupe familial, la majorité des droits de vote de la société, lorsqu’il dispose seul de la majorité des droits de vote en vertu d’un pacte d’actionnaire ou lorsqu’il exerce en fait le pouvoir de décision.
Pour l’administration fiscale, ce contrôle est présumé exister lorsque le contribuable dispose, directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote d’au moins 33,33 % et qu’aucun autre associé ne détient une fraction supérieure à la sienne. 
Lorsque le holding bénéficiaire de l’apport cède les titres dans le délai de trois ans, le maintien du différé d’imposition de la plus-value mise en report est subordonné au réinvestissement par le holding d’un quantum (au moins la moitié) du produit de la cession dans un investissement éligible.
Pour apprécier le niveau de réinvestissement nécessaire, il conviendra d’ajouter au prix de cession l’éventuel complément de prix perçu en exécution d’une clause d’indexation.

Nature des activités pour le réinvestissement


Si le quantum du réinvestissement doit être examiné avec attention, il en est de même de la nature des activités choisies dans le cadre du réinvestissement. Ainsi, le réinvestissement peut être opéré :
— dans le financement direct d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (à l’exclusion de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier et de l’acquisition ou de la souscription de parts d’un fonds de commun de placement à risques) ;
— dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une société exerçant une telle activité et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle ;
— ou enfin dans la souscription au capital d’une société exerçant une de ces activités.

Financement direct d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière


Le financement d’une activité éligible s’entend de l’acquisition par le holding de moyens permanents affectés à sa propre exploitation, ce qui n’est pas le cas lorsque la société acquiert un actif qu’elle immobilise mais qu’elle affecte à un emploi autre qu’aux besoins de son exploitation, comme la mise à disposition de ses associés.
L’administration fiscale exclue des activités éligibles, les activités de nature civile ou de gestion patrimoniale, notamment la gestion de patrimoine immobilier ou la gestion de portefeuille de valeurs mobilières.
Ainsi, il est précisé que les opérations de location immobilière, nue ou meublée, la souscription de parts de fonds communs de placement à risques (FCPR), ne constituent pas un remploi éligible.
Le remploi est toutefois possible dans une ou plusieurs activités éligibles.

Acquisition d’une fraction du capital d’une société exerçant une telle activité et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle


L’acquisition de titres constitue également un réinvestissement éligible, sous réserve que cette acquisition confère le contrôle au holding.
Le respect de cette condition implique que le holding ne dispose pas du contrôle avant l’opération d’acquisition d’une fraction du capital.
Le réinvestissement est possible dans plusieurs sociétés, dès lors qu’il confère à la société qui réinvestit le contrôle de chacune d’elles.
Sont exclues du champ du réinvestissement les sociétés d’investissement dont l’activité est la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières.

Souscription au capital d’une société exerçant une de ces activités


Le réinvestissement peut aussi prendre la forme de la souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou plusieurs société(s). Cette société doit être soumise à l’impôt sur les sociétés, avoir son siège social en France, dans un autre État membre de l’Union Européenne ou dans un autre État de l’Espace Économique Européen et exercer une activité éligible ou avoir pour objet social exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une activité éligible.
Quel que soit le mode de remploi envisagé, il convient de préciser que le remploi peut être effectué dans plusieurs investissements éligibles (en direct, par acquisition de titres et par souscription au capital d’une société).
Enfin, l’administration fiscale précise que le réinvestissement doit se faire dans une perspective de long terme, ce qui sera présumée être le cas dès lors que le holding conserve les titres pendant un délai de 24 mois à compter leur inscription à son actif.
L’apport de titres à une société contrôlée peut ainsi être une opération extrêmement opportune dans la mesure où l’apporteur saura en amont évaluer le montant des capitaux qu’il consacrera à sa (ses) nouvelle(s) activité(s).
Source : Actualités du droit