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Clause d’indexation : une validité variable selon les distorsions engendrées

Civil - Immobilier
07/02/2020
En matière de clause d’indexation, la sanction de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier s’applique dès la première révision du loyer. Néanmoins, la clause d’indexation ne pourra pas être déclarée non écrite en son entier si elle engendre une distorsion uniquement lors de cette première révision.
L’on sait qu’une clause d’indexation insérée dans un bail commercial ne doit pas engendrer de distorsion entre l’intervalle de variation indiciaire et la durée écoulée entre les deux révisions (v. Cass. 3e civ., 11 déc. 2013, n° 12-22.616, Rev. loyers 2014/943, n° 1718).
En effet, aux termes de l’article L. 112-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier, « est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision ».
 
Mais seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite. Si une telle distorsion n’a lieu que lors de la première révision du loyer, la clause d’indexation litigieuse ne peut pas être déclarée non écrite en son entier, comme vient de le rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 6 février 2020.
 
Une société avait donné à bail commercial à une autre société un bâtiment à usage de bureaux à compter du 15 janvier 2008 pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel de 220 000 euros hors taxes. Se prévalant du caractère illicite de la clause d’indexation insérée au bail, la société locataire a saisi le tribunal aux fins de voir déclarer cette clause réputée non écrite et condamner la société bailleresse à restituer des sommes versées au titre de l’indexation.
 
Les juges du fond déclarent non écrite la clause d’indexation aux motifs que ladite clause prévoyait une indexation « pour la première fois le 15 janvier 2009 par variation de l’indice Insee du 4e trimestre 2006 à l’indice Insee du 4e trimestre 2008 » et créait ainsi une distorsion entre l’intervalle de variation indiciaire (deux ans) et celui séparant la prise d’effet du bail de la première révision (un an).
 
La société locataire se pourvoit en cassation et fait valoir deux moyens.
 
Elle estime tout d’abord que l’article précité du Code monétaire et financier ne s’applique pas à la première révision du loyer, la période contractuelle à prendre en considération est donc nécessairement la période contractuelle à venir.
La Cour de cassation rejette ce moyen : « La cour d’appel a retenu à bon droit que l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier s’applique dès la première indexation ».
 
La locataire fait ensuite valoir que si la clause d’indexation litigieuse applicable à la première révision avait certes conduit à la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée écoulée depuis la prise d’effet du bail, les dispositions de cette clause applicables aux révisions postérieures ne prévoyaient pas une période de variation de l’indice supérieure à la durée écoulée entre lesdites révisions ; dès lors, la clause ne devait pas être réputée non écrite en son entier.
La Cour de cassation retient ce second moyen et censure les juges du fond au visa de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier : « En statuant ainsi, alors que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite, la cour d’appel, qui a constaté que la clause n’engendrait une telle distorsion que lors de la première révision, a violé le texte susvisé ».
V. déjà : Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-23.058, publié au Bulletin et notre actualité : Clause d’indexation : premier ajustement illicite permis s’il est ponctuel.

Cette position de la Cour de cassation est désormais classique (v. Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, n° 15-28.691, publié au Bulletin et notre actualité : Clause d’indexation : attention à la période de variation de l’indice !). Néanmoins, l’arrêt précité du 29 novembre 2018 apportait une précision importante : ainsi, une clause d’indexation prévue au bail ne sera pas réputée non-écrite si elle prévoit un premier ajustement, illicite mais ponctuel, tenant à la prise d’effet du bail en cours d’année civile. Il suffit que les périodes de référence suivantes aient la même durée. 
 
En conclusion : l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier est applicable dès la première indexation, sauf ajustement ponctuel, bien qu’illicite, tenant à la prise d’effet du bail en cours d’année civile. En outre, la clause d’indexation ne pourra pas être déclarée non écrite en son entier si elle engendre une distorsion uniquement lors de la première révision.
 
Sur la validité de la clause d’indexation au regard de sa périodicité, v. Le Lamy Baux commerciaux, n° 210-20.
Source : Actualités du droit