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Du bail dérogatoire au bail de neuf ans

Civil - Immobilier
13/12/2019
Au-delà du terme prévu par un bail dérogatoire, si le locataire reste dans les lieux sans que le bailleur ne manifeste son opposition, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.
Si à l’expiration d’un bail dérogatoire, et au plus tard à l'issue d'un délai de un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par le statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-5).
Afin d’éviter cela, le bailleur devra montrer clairement sa volonté de ne pas laisser le locataire dans les lieux à la fin du bail. Il doit pouvoir prouver qu'il a manifesté sans équivoque sa volonté d'évincer le preneur (Cass. 3e civ., 4 mai 2010, no 09-11.840) et ceci impérativement avant le terme contractuel du bail dérogatoire. En outre, une clause du bail dérogatoire ne saurait dispenser le bailleur de faire connaître au preneur son opposition à son maintien dans les lieux (Cass. 3e civ., 4 mai 2010, no 09-11.840 ; Cass. 3e civ., 13 janv. 2015, no 13-23.736).

Dans un arrêt du 12 décembre 2019, la Cour de cassation a rappelé ces principes.

En l’espèce, une société avait consenti à une autre le renouvellement d’un bail commercial à effet du 1er janvier 2005. Un accord du 29 juin 2007 avait prévu la rupture anticipée du bail à effet du 31 décembre 2007 et autorisé la société preneuse à se maintenir dans les lieux à compter du 1er janvier 2008 pour une durée de vingt-trois mois afin de favoriser la cession, par ladite société, de son fonds de commerce ou de son droit au bail. Le 18 octobre 2010le bailleur a assigné en expulsion le preneur, qui, demeuré dans les lieux, a sollicité que le bénéfice d’un bail commercial lui soit reconnu.

Les juges du fond ont fait droit à la demande du bailleur. Selon eux, l’accord conclu le 29 juin 2007 exclut explicitement les dispositions des articles L. 145 et suivants du Code de commerce. Les parties ont seulement entendu limiter à vingt-trois mois l’occupation des locaux par la locataire dans l’attente de la cession de son fonds de commerce ou de son droit au bail, événement incertain et extérieur à la volonté des parties puisqu’impliquant l’intervention d’un tiers se portant acquéreur du fonds. Cette cession constituait le terme de l’accord dans la limite maximale fixée par les parties.

La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa des articles L. 145-5 du Code de commerce et 1134, ancien du Code civil. En effet, « au-delà du terme prévu à la convention qui dérogeait aux dispositions statutaires, la locataire était restée dans les lieux sans que le bailleur n’eût manifesté son opposition, ce dont il résultait qu’il s’était opéré un nouveau bail ».

V. en ce sens, Cass. 3e civ., 8 juin 2017, n° 16-24.045 et notre actualité : Terme du bail dérogatoire et naissance d’un bail soumis au statut.

Sur l’issue du bail dérogatoire, v. Le Lamy Baux commerciaux, n° 115-12.
Source : Actualités du droit