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Ingérence politique des autorités lituaniennes ayant ralenti le retour d’un enfant auprès de son père allemand

Civil - Personnes et famille/patrimoine
04/02/2020

► De toute évidence, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont cherché à influencer le processus décisionnel en faveur de la mère, malgré les décisions de justice allemandes ayant ordonné le retour de l’enfant auprès du père allemand, lesquelles auraient dû être rapidement exécutées en Lituanie ;

► notamment, des mesures prises par la Cour suprême et par le président de celle-ci ont été à l’origine de «vicissitudes procédurales» contraires aux buts poursuivis par les règles du droit international et du droit de l’Union européenne en matière d’autorité parentale ;

► globalement, le comportement des autorités lituaniennes n’était pas à la hauteur de ce que l’article 8 CESDH exige de l’Etat, entraînant violation du droit au respect de la vie privée et familiale à l’égard du père et de l’enfant.

C’est en ce sens que s’est prononcée la CEDH dans une décision rendue le 14 janvier 2020 (CEDH, 14 janvier 2020, Req. 10926/09, en anglais).

L’affaire concernait les démarches entreprises par un père allemand pour faire revenir sa fille, qui était chez son ex-épouse en Lituanie, après le prononcé de décisions de justice en sa faveur. Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie familiale), les requérants (le père et sa fille) se plaignaient de la manière dont les autorités avaient conduit la procédure concernant le retour de la fille en Allemagne.

Ils alléguaient notamment que des politiciens, aussi bien des parlementaires que des membres du gouvernement, avaient tenté d’influencer le processus décisionnel.

La Cour observe qu’il y a eu une recrudescence de pressions publiques, politiques et institutionnelles après que l’huissier avait entamé l’exécution de la décision ordonnant le retour, notamment une pétition publique, des agressions verbales contre le père, qualifié de «porc allemand» ou de «nazi», ainsi que des menaces contre celui-ci, son avocat et l’huissier.

La Cour est troublée par ce qu’elle considère comme des démarches officielles concertées visant à ce que l’enfant reste en Lituanie, des membres du Parlement ayant ouvertement contesté la régularité des décisions de justice et le ministre de la Justice ayant nourri l’espoir de la mère que l’affaire serait rejugée. Il y avait également eu des pressions contre l’huissier, un travailleur indépendant, dans le cadre de l’exécution des décisions de justice, ainsi que contre les services sociaux, afin que ceux-ci reviennent sur leur avis, qui était que l’intérêt supérieur de l’enfant était de revenir en Allemagne.

De plus, le droit lituanien a été modifié de manière à permettre à la fille du couple d’obtenir la nationalité lituanienne malgré l’argument avancé par le père, qui était que selon les décisions de justice allemandes, lui seul avait l’autorité pour prendre des décisions concernant la nationalité de sa fille. Le Gouvernement lituanien a également fourni à la mère une contribution financière pour aider celle-ci à saisir la CJE.

La Cour en conclut qu’il ne fait aucun doute que les autorités lituaniennes n’ont pas assuré l’équité du processus décisionnel dans l’exécution du jugement ordonnant le retour de l’enfant. Elle constate également que le président de la Cour suprême est personnellement intervenu dans cette affaire et que, ensuite, la procédure ultérieurement conduite devant la Cour suprême a été suspendue dans l’attente de la décision préjudicielle de la CJE, alors que le droit lituanien ne permettait pas la réouverture d’une procédure tendant au retour d’un enfant sur la base de la Convention de La Haye.

Ces éléments, ainsi que d’autres «vicissitudes procédurales», étaient totalement contraires aux buts essentiels poursuivis par la Convention de La Haye, par le règlement de l’Union européenne et par l’article 8 de la Convention.

La Cour conclut que le temps pris par les autorités lituaniennes pour rendre une décision définitive dans cette affaire n’a pas permis de répondre à l’urgence de la situation. Globalement, le comportement des autorités lituaniennes n’était pas à la hauteur de ce que l’article 8 exige de l’Etat et il y a eu violation de cette disposition à l’égard de chacun des requérants.

Source : Actualités du droit