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Image  Mickael d’Allende, avocat associé, cabinet Altana

L’accord de préservation et de développement de l’emploi : le dialogue social de compétitivité à la relance

Social - Fonction rh et grh, Formation, emploi et restructurations, IRP et relations collectives
06/01/2017
Les entreprises peuvent désormais conclure des accords de préservation et de maintien de l’emploi, à l'issue la loi Travail du 8 août 2016, dont les modalités d'application ont été précisées par un décret du 28 décembre. Le regard de Mickael d’Allende, avocat associé au cabinet Altana, sur ce nouveau dispositif.
« Accord offensif » – Les accords de maintien de l’emploi (« AME ») créés par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 n’ont pas suscité un enthousiasme débordant : une grosse dizaine seulement de ces « accords défensifs », trop contraignants, ont été conclus.
La loi « travail » du 8 août 2016 offre aux partenaires sociaux un nouveau dispositif permettant de donner du souffle au dialogue social portant sur la compétitivité des entreprises : les accords de préservation et de maintien de l’emploi (« APDE »).
 
Négociation et conclusion – Prévu aux articles L. 2254-2 à L. 2254-6 du Code du travail, l’APDE ne nécessite pas, contrairement à l’accord de maintien dans l’emploi, que l’entreprise soit confrontée à de graves difficultés économiques conjoncturelles pour qu’une négociation soit engagée. Il ne s’agit donc pas d’accords de crise ; c’est la raison pour laquelle on a parlé à leur égard d’« accords offensifs ». En revanche, le texte doit comporter, à peine de nullité, un préambule qui indique les objectifs visés par les signataires.
 
L’accord doit être conclu au niveau de l’entreprise, entre l’employeur et les délégués syndicaux, selon les nouvelles conditions issues de la loi « travail » applicables aux accords « majoritaires ». Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, l’accord peut être négocié et conclu par des représentants élus ou des salariés non élus mandatés par des organisations syndicales de salariés représentatives, seul le recours à des élus non mandatés étant écarté (C. trav., art. L. 2254-2, I). Les négociateurs « côté salariés » peuvent faire appel à un expert-comptable, dont le coût est pris en charge par l’employeur.
 
Contenu et durée – L’accord de préservation et de développement de l’emploi ne doit pas nécessairement contenir de clause de « contrepartie » relative aux efforts consentis par les dirigeants, pas plus qu’une clause pénale en cas de non-respect par l’employeur de ses engagements, contrairement à ce qui est prévu en matière d’accords de maintien de l’emploi. Le texte doit néanmoins impérativement prévoir les modalités, d’une part, de prise en compte de la situation des salariés invoquant une atteinte disproportionnée à la leur vie personnelle ou familiale et, d’autre part, d’information des salariés sur l’application de l’accord et son suivi. Rien n’empêche toutefois les parties d’inclure un certain nombre d’engagements de la part des dirigeants et/ou actionnaires ou encore de prévoir les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord (C. trav., art. L. 2254-2, III). Les APDE sont obligatoirement conclus pour une durée déterminée qui, à défaut de stipulation, est fixée à cinq ans. 
 
Portée – Les dispositions de l’APDE se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles figurant dans le contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée de travail. Pour autant, l’accord ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié (C. trav., L. 2254-3, I). A cet égard, le décret n° 2016-1909 du 28 décembre 2016 prévoit que :
1) le texte peut modifier ou supprimer les modalités d’attribution, de calcul et de versement de tout ou partie des éléments de rémunération ;
2) l’accord doit fixer la rémunération mensuelle garantie au salarié, celle-ci ne pouvant être inférieure à la moyenne sur les trois mois précédant sa signature. Les éléments dont la périodicité de versement est supérieure au mois ne sont pas pris en compte.
Attention toutefois, si l’APDE reste muet :
1) c’est la moyenne des trois derniers mois de salaire qui est garantie au salarié, y compris les éléments de rémunération dont la périodicité de versement est supérieure au mois ;
2) sont maintenus le régime juridique, les modalités d’attribution, de calcul et de versement des éléments de rémunération.
 
Contrairement à l’accord de maintien de l’emploi, l’expiration de l’accord de préservation et de développement de l’emploi ne prévoit pas un retour aux clauses antérieures du contrat de travail pour les salariés. Si tel est le souhait des partenaires sociaux, une telle possibilité devra être expressément prévue.
 
Conséquences du refus du salarié – Dans la mesure où ses dispositions se substituent à celles du contrat de travail ayant le même objet, l’accord entraine une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié. Le décret du 28 décembre impose à cet égard à l’employeur d’informer les salariés concernés qu’ils disposent d’un délai d’un mois pour faire connaître leur décision, leur silence valant acceptation. En cas de refus, l’employeur peut engager une procédure de licenciement qui repose sur un motif spécifique qui constitue nécessairement une cause réelle et sérieuse. La rupture est soumise aux seules modalités et conditions applicables au licenciement individuel pour motif économique (C. trav., art. L. 2254-2, II). Les règles du licenciement collectif ne sont donc pas applicables, même en cas de multiples départs de l’entreprise.
 
En d’autres termes, les mesures instituant une nouvelle organisation de l’entreprise issues de tels accords collectifs priment sur la volonté des salariés qui n’adhérent pas au projet, dans la mesure où leur refus mettrait en péril le nouveau schéma voulu par les partenaires sociaux. L’idée mériterait de faire son chemin et d’être étendue à d’autres thèmes.
 
Le législateur a aménagé un certain nombre de garanties au profit du salarié ayant refusé la modification de son contrat. Un entretien préalable doit être organisé, au cours duquel l’employeur doit proposer le bénéfice d’un parcours d’accompagnement personnalisé (« PAP »), sachant que l’intéressé dispose d’un délai de réflexion de sept jours pour se prononcer (son silence vaut refus).
L’adhésion du salarié emporte rupture immédiate du contrat de travail, sans préavis. L’employeur reste néanmoins tenu de verser l’indemnité légale ou, le cas échéant, conventionnelle de licenciement. Le PAP dure 12 mois, pendant lesquels les salariés qui bénéficiaient de 12 mois d’ancienneté au moment de la rupture de leur contrat de travail perçoivent une allocation égale à 70 % de leur salaire journalier de référence. L’employeur participe en partie au financement du dispositif à hauteur d’une somme correspondant à l’indemnité de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du PAP (lorsque ce montant excède trois mois de salaire, le solde est versé au salarié).
Enfin, le motif sur lequel repose la rupture du contrat de travail doit être communiqué par écrit au salarié. En synthèse, le dispositif s’inspire largement du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
 
Vers des partenaires sociaux ET économiques ? – Les accords de préservation et de développement de l’emploi offrent aux entreprises la possibilité de conclure des accords très puissants tant sur le plan contractuel que sur le plan organisationnel. Leur souplesse mériterait qu’ils rencontrent un succès pratique à la hauteur de l’enjeu dont ils sont porteurs : transformer les partenaires sociaux en partenaires sociaux et économiques. La compétitivité des entreprises françaises en dépend.

Par Mickael d’Allende, avocat associé, cabinet Altana
 
Source : Actualités du droit